Infarctus du myocarde: assassin en liberté

Article de Presse sponsorisé par l’Hôpital de la Tour, paru dans le quotidien Le Temps.


Les maladies cardiovasculaires sont les plus grandes prédatrices de l’humanité occidentale, les coronariennes en tête de meute. Rencontre avec les spécialistes de l’Hôpital de La Tour pour faire le point sur les traitements.

L’Organisation mondiale de la santé est formelle: chaque année, 17,5 millions de morts sont imputables aux maladies cardiovasculaires. Ce chiffre représente 30% des causes de décès dans le monde et cache 7,4 millions de vies prises par les seules maladies coronariennes, celles qui touchent les artères d’alimentation du muscle cardiaque. Lorsqu’elles se bouchent, l’infarctus est inévitable. En Suisse, l’Observatoire de la santé indique que les cas d’infarctus sont en augmentation depuis 2004. Ils ont touché 14 402 personnes en 2016, une inflation principalement due au vieillissement de la population. Comme une lueur d’espoir, la mortalité des individus ayant subi un infarctus a diminué de 30 à 16% pendant la même période. Est-ce là le signe d’une bataille gagnée contre les maladies coronariennes?

Artère bouchée

L’athérosclérose est la grande coupable, elle provoque les maladies coronariennes comme l’angine de poitrine, l’arrêt cardiocirculatoire, certaines arythmies et l’infarctus du myocarde. Elle est indolore, progresse silencieusement et sournoisement en déposant jour après jour, pendant des années, des graisses sur la paroi interne des artères. L’évolution de ce dépôt accumule des facteurs de coagulation sanguine, des cellules sanguines et du calcium jusqu’à ce qu’une plaque appelée athérome soit formée. Lorsqu’elle atteint plusieurs millimètres, la plaque d’athérome obstrue partiellement ou totalement l’artère et empêche le sang et son précieux oxygène d’atteindre le muscle cardiaque. Ce dernier suffoque: soit il cesse petit à petit de fonctionner et c’est alors l’angine de poitrine, soit l’occlusion est brutale et c’est l’infarctus du myocarde puis l’arrêt du cœur. Il entraîne la mort si rien n’est entrepris pour le relancer et réactiver la circulation artérielle.

Maintenir une circulation fluide

Afin d’éviter le développement des plaques, les traitements sont majoritairement préventifs. Une bonne hygiène de vie est le mot d’ordre distillé par les médecins: rester actif, manger peu de graisses animales, éviter le surpoids et, surtout, s’abstenir de fumer. Les excès alimentaires, surtout de graisses animales, sont à proscrire. Que les épicuriens se rassurent, manger un sauté chou kale à l’ail peut s’avérer bon pour les papilles lorsque la meilleure huile d’olive est utilisée et certaines vertus bien connues de ces aliments ne manqueront pas de faire faire de l’exercice aux gastronomes.

Mais la prévention a ses vertus que la raison humaine ne peut pas toujours suivre. Outre les comportements, les facteurs héréditaires, sociaux ou encore de mobilité font qu’une bonne hygiène de vie ne peut être adoptée par tous et toutes. Surpoids, hypertension, diabète et hypercholestérolémie sont donc autant de facteurs aggravants qu’il faut combattre à coups de traitements médicamenteux ou de régimes stricts. Aucun de ces traitements ne permet de diminuer la taille des plaques préexistantes, mais prévient uniquement leur apparition ou leur progression. Quoi qu’il advienne, les risques augmentent avec l’âge et aucun remède de jouvence n’existe à ce jour.

Contournements et voie sécurisée

L’infarctus du myocarde est la forme ultime et instable des maladies coronariennes, l’arme du crime. Il nécessite une intervention musclée et rapide de la brigade des urgences, car chaque minute compte pour prévenir la mort musculaire cardiaque qui survient dans les deux heures. Si les victimes atteignent l’hôpital à temps, l’infarctus peut être avorté et la vie préservée. «Le problème lors de l’infarctus ce sont les individus qui meurent en dehors de l’hôpital, ils sont environ 100 000 par ans aux Etats-Unis! Le taux de mortalité global de 16% n’est que de 4 à 5% pour les personnes hospitalisées», précise le docteur Edoardo De Benedetti, cardiologue à l’Hôpital de La Tour. D’où l’importance des campagnes d’information afin que le patient reconnaisse les symptômes et puisse faire appel rapidement au 144.

Hormis utiliser le défibrillateur pour relancer le cœur, il convient aux cardiologues et chirurgiens de rétablir la circulation. Ils disposent de deux approches, elles peuvent être utilisées en amont pour prévenir l’infarctus ou pour sauver les patients en train de le subir. La première consiste à contourner les athéromes en effectuant un pontage coronarien. La seconde à dilater l’artère au niveau de l’athérome et à y déposer une endoprothèse coronarienne, plus communément appelée stent.

Quand les médecins jouent aux plombiers

Le stent est un ressort fait de mailles métalliques – il ressemble étrangement au pont Wilsdorf qui traverse l’Arve au cœur de Genève – qui se glisse dans la cavité interne d’une artère. Muni d’un ballon gonflable en son centre, le stent est positionné à la hauteur de l’athérome. Une fois la cible atteinte, le cardiologue gonfle le ballon pour dilater l’artère, écraser la plaque graisseuse et déployer le stent. Lors du retrait du dispositif de gonflage, le stent reste en place et rétablit la circulation sanguine. Le processus médical est appelé angioplastie et se pratique sous anesthésie locale par l’artère radiale du poignet. «Avant, les cardiologues empruntaient l’artère fémorale, mais cela engendrait plus de complications. L’angioplastie peut s’effectuer en soins ambulatoires mais nécessite en général une nuit de surveillance», précise le cardiologue. Les prothèses sont une invention suisse, le ballon de dilatation a été développé à Zurich dans les années 1970 et le stent à Lausanne dans la décennie qui a suivi. «De ce fait, un savoir-faire par héritage existe dans toute l’Helvétie», rajoute-t-il.

Le pontage coronarien, quant à lui, est une intervention chirurgicale invasive et sous anesthésie générale. Une artère ou une veine sans fonction vitale est prélevée sur le patient et utilisée pour contourner l’artère coronaire bouchée. «Il est préférable d’utiliser des artères, car les veines sont faites pour fonctionner à basse pression, elles durent donc moins longtemps et on essaie de les éviter. Le matériel de choix est l’artère mammaire interne», précise le docteur Patrick Myers, chirurgien cardiovasculaire à l’Hôpital de La Tour. Mis en place dans les années 1960, le pontage coronarien est une technique chirurgicale bien éprouvée et maîtrisée.

Quelle direction prendre?

Aujourd’hui, 90% des interventions sont des angioplasties, contre 10% de chirurgie. Mais comment choisir entre une chirurgie invasive et une intervention ambulatoire? «Le pontage coronarien est choisi si les athéromes sont diffus le long des artères coronariennes, car on peut les contourner dans leur ensemble», précise Patrick Myers. La perméabilité des pontages réalisés avec une artère mammaire est de 99% à dix ans, c’est donc une technique durable et très efficace bien qu’elle constitue des risques liés à l’opération et des risques d’infections lorsque les deux artères mammaires internes sont prélevées. De plus, les artères mammaires agissent comme un médicament: elles sécrètent naturellement de l’oxyde nitrique qui stabilise la maladie et prévient l’apparition de plaques.

Après trois générations, les prothèses coronariennes sont devenues très performantes. Les complications classiques sont la récidive ou l’apparition de caillots lors de la cicatrisation. «Depuis 2003, une nouvelle génération de stents existe. Ils diffusent un composé actif dans la paroi de l’artère, ce qui a définitivement réduit les possibilités de complications», indique le docteur De Benedetti. L’angioplastie est préférée à la chirurgie, car moins invasive, surtout lorsque l’état du patient n’est pas bon et que la maladie n’est pas trop diffuse.

Les médecins travaillent en groupe pluridisciplinaire pour prendre des décisions de diagnostic et décider du type d’intervention, «c’est une approche très prisée à La Tour, on se réunit avec tous les médecins impliqués dans la prise en charge de ces patients: chirurgiens, cardiologues, intensivistes, anesthésistes», indique le cardiologue. Les choix se font donc par entente entre toutes les disciplines médicales, sans oublier le patient.

Malgré les possibilités de traitements efficaces, les maladies coronariennes ne sont pas près d’être enfermées et l’infarctus reste encore un criminel imprévisible! Pour ne pas devenir une victime, veiller à se balader sur des artères bien dégagées, un casse-croûte végétal et fruité dans le sac à dos et des baskets aux pieds.

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