La diversité des astrocytes élucidée
Réalisé pour la Faculté de Médecine de l’UNIGE. Photo de Valeria Reverdo sur Unsplash.
La science a longtemps considéré les astrocytes comme une population de cellules homogène dont le seul rôle consistait à soutenir «passivement» le fonctionnement des neurones. Pourtant, ces dernières décennies, les spécialistes de ces cellules gliales particulières ont démontré que les neurones ne fonctionnaient pas correctement sans la présence d’astrocytes fonctionnels. Ces derniers participent notamment à la formation de la barrière hémato-encéphalique, à la maintenance du métabolisme des neurones, à la création des cicatrices lors de lésions cérébrales et à la régulation des synapses. De plus, ils sont impliqués dans de nombreuses maladies psychiatriques et neurodégénératives. Une grande variété de fonctions en contradiction avec l’idée que les astrocytes représentent une population homogène, à savoir un seul type de cellule.
«Avec l’arrivée des nouvelles techniques de séquençage, nous nous avons pu montrer que la population d’astrocytes possède effectivement cinq catégories morphologiques et moléculaires différentes», explique Riccardo Bocchi, chercheur Ambizione dans le laboratoire de Denis Jabaudon, professeur et directeur du Département des Neurosciences Fondamentales (NEUFO) de la Faculté de Médecine (FacMed) de l’Université de Genève (UNIGE) et membre du Centre Synapsy de recherche en neurosciences pour la santé mentale. Ces cinq catégories de cellule se répartissent spécifiquement dans le cerveau, que ce soit dans la partie superficielle du cortex, les couches plus profondes, ou encore dans la matière blanche. Or, si les astrocytes de ces catégories diffèrent au niveau de la forme, de l’empreinte moléculaire et de la localisation dans le cerveau, il convient de se demander comment ces catégories apparaissent lors du développement cérébral. C’est tout l’objet de l’étude de Riccardo Bocchi, pupliée dans Nature Communications.
Deux types de progéniteurs
Riccardo Bocchi raconte: «On pensait jusqu’alors que tous les astrocytes provenaient des progéniteurs Emx1+, qui produisent d’abord des neurones durant la neurogenèse au stade embryonnaire, puis des astrocytes durant la gliogenèse qui a lieu après la naissance. Nous avons montré dans notre étude que c’est effectivement le cas, mais seulement pour une partie des astrocytes. Nous avons observé qu’il existe une seconde lignée qui provient d’un autre progéniteur.» Ce second type de progéniteur apparaît au même stade du développement que pour les autres astrocytes. Il est donc inactif durant la neurogenèse et s’active à la fin de celle-ci pour donner naissance à des astrocytes exprimant le facteur de transcription Olig2.
Et cette différence d’origine a un impact fonctionnel. Les astrocytes issus de cette seconde lignée participent principalement à la formation de nouvelles synapses. «Lorsque nous avons désactivé Olig2 chez la souris,» explique Riccardo Bocchi, «nous avons constaté une prolifération des astrocytes provenant de l’autre progéniteur Emx1+.» De manière saisissante, le nombre total de synapses dans le cortex diminue avec cette manipulation, ce qui souligne l’importance des astrocytes dans le fonctionnement des neurones du cortex cérébral.
Ces résultats ouvrent également des perspectives thérapeutiques. Des nouvelles thérapies visent en effet à reprogrammer les astrocytes en neurones, par exemple pour lutter contre la mort neuronale dans les maladies dégénératives ou suite à des accidents vasculaires cérébraux. Une sélection spécifique des astrocytes Emx1 issus de progéniteurs ayant déjà généré des neurones pourrait améliorer la stabilité de ce type de reprogrammation. Une autre approche consisterait à promouvoir la genèse des astrocytes Olig2 pour éviter la perte de synapses observée dans de nombreuse maladie, y compris les troubles psychiatriques, sujet d’intérêt pour le Centre Synapsy.