Regards croisés sur le cancer de la prostate

Réalisé pour le Temps. Photo de Daria Trofimova sur Unsplash.

La prise en charge du cancer de la prostate est en pleine évolution. Fini le temps du traitement unique, l’intensification multimodale devient progressivement la norme des centres spécialisés

En Suisse, l’office fédérale de la santé dénombre plus de 6000 cas de cancer de la prostate par année. À lui seul, ce cancer représente près d’un tiers de tous les cancers diagnostiqués chez des personnes possédant une prostate. « Cette maladie se développe le plus souvent après 50 ans, d’où l’importance de faire des dépistages réguliers à partir de cet âge si vous avez une prostate, » rajoute le docteur Pierre Bohanes, oncologue à la Clinique de la Source.

Historiquement, les choix pour traiter le cancer de la prostate étaient très restreints. L’intervention la plus courante consistait à ôter la prostate grâce à une intervention chirurgicale. En présence de contre-indications pour la chirurgie, on procédait plutôt à une radiothérapie. Aucune discussion avec le patient ou avec d’autres spécialistes n’était considérée.

Un changement de paradigme

Depuis quelques années cependant, plusieurs changements ont bouleversé le domaine. Premièrement, des nouveaux traitements ont été développés, comme l’hormonothérapie qui, dans le cas du cancer de la prostate, permet de réduire les taux de testostérone dans le corps, ce qui ralentit l’expansion de la tumeur. La médecine nucléaire a, elle aussi, fait d’énormes progrès. Elle permet aujourd’hui de créer des molécules radioactives qui, une fois dans le corps, vont venir s’attacher directement aux cellules cancéreuses de la prostate afin de les détruire.

Ces nouveaux traitements offrent non seulement d’excellents résultats cliniques, ils se prêtent aussi volontiers à l’intensification multimodale. Sous ce terme barbare se cache la possibilité de mettre ensemble plusieurs traitements pour en améliorer leurs efficacités. Par exemple, on pourra utiliser l’hormonothérapie en première intention afin de faire diminuer la taille de la tumeur, pour ensuite la traiter par radiothérapie ou par chirurgie.

Ensuite, on ne traite plus tous les cancers de la prostate. « En effet, dans environ un tiers des cas, la tumeur n’est pas agressive et est encore de petite taille. Ce type de cancer évolue généralement lentement et n’est pas associé à des symptômes particuliers. Il demande donc un suivi continu plutôt qu’un traitement spécifique afin d’éviter le plus longtemps possible les effets secondaires que ces traitements engendrent, » explique le docteur Bohanes.

Les médecins possèdent donc à ce jour trois grands axes d’action qui permettent une prise en charge adaptée à chaque patient : faire un suivi continu sans traitement, faire un traitement unique, et faire de l’intensification multimodale.

Petit détour sur la prostate

Revenons un instant sur quelques définitions. La prostate, tout d’abord, est une glande formant un anneau autour de l’urètre juste en-dessous de la vessie et devant le rectum. Elle produit un liquide qui représente environ 30% du sperme et qui contient des nutriments pour les spermatozoïdes. La prostate est donc essentielle dans le système reproducteur masculin.

Le cancer de la prostate quant à lui est une maladie où des cellules prostatiques commencent à proliférer de manière incontrôlée et engendrent la formation d’une tumeur. « Du fait de son développement généralement lent, une grande partie des cas de cancer de la prostate sont diagnostiqués lors de contrôles de routine, sans présence de symptômes annonciateurs, » ajoute Dr Bohanes. Malgré tout, plusieurs symptômes liés au cancer de la prostate peuvent apparaître lorsque le stade du cancer est avancé. Ces symptômes incluent la présence de sang dans les urines ou dans le sperme, des difficultés à uriner et des douleurs persistantes dans la région pubienne et le bas du dos. Si ces symptômes apparaissent et persistes, il faut immédiatement aller voir un médecin.

Une nouvelle approche pluri-disciplinaire

La diversification des choix de traitement a aussi mené à la création de tumor boards dans les centres spécialisés, comme à la Clinique de la Source. Ces réunions qu’on peut traduire par « Conseils sur les Tumeurs » rassemblent les spécialistes médicaux liés à chaque traitement. On y trouve donc des urologues, oncologues, spécialistes en chirurgie, radiothérapeutes, nucléaristes, généticistes, physiothérapeute, sexologues et psychologues. Ces réunions mènent à une prise de décision horizontale : chaque spécialiste donne son opinion sur le cas présenté afin de définir la ou les meilleures options de traitement possibles.

Lors de ces réunions, l’accent est posé sur plusieurs facteurs : l’agressivité et la taille de la tumeur, la présence de métastases, ou encore l’âge du patient, son état de santé général et son terrain génétique. Non seulement ces facteurs aident les médecins à décider si une intervention est nécessaire ou non, ils permettent aussi de trancher sur le type de traitement à utiliser. En effet, les recommandations internationales utilisent la gravité de l’ensemble de ces facteurs comme critère décisionnel pour l’utilisation de l’intensification multimodale. Au Dr Bohanes d’expliquer : « Par exemple, en cas de détection de métastases, nous pourrons ajouter une chimiothérapie en conjonction aux traitements visant spécifiquement la prostate, afin de s’attaquer au cancer de manière globale. »

Une approche personnalisée

« Cependant, nous prenons aussi en compte l’avis de la personne malade, précise Dr Bohanes. En effet, celle-ci peut exprimer un souhait sur le traitement qu’elle aimerait recevoir, ou même celui qu’elle aimerait éviter. » La conjonction de toutes ces informations permet aux médecins de définir un traitement efficace qui correspondra au mieux à la volonté de la personne malade, ainsi qu’à sa pathologie. C’est d’ailleurs en offrant des soins répondant aux critères de qualité internationaux que la Clinique de la Source a reçu une accréditation du Swiss Cancer Network.

Et ensuite ?

Malheureusement, aussi personnalisées et précises que soient les méthodes proposées, des effets secondaires apparaissent souvent après la période de traitement. Les effets secondaires des traitements du cancer de la prostate incluent généralement une incontinence urinaire, de la fatigue, des troubles intestinaux, des troubles de l’érection, voire l’infertilité. Ces symptômes affectent souvent profondément les personnes traitées et leur entourage.

Dr Bohanes explique : « À la Clinique de la Source, la prise en charge ne s’arrête pas à la fin du traitement. Grâce au programme La Source à Domicile, le suivi continue même après l’hospitalisation afin de faciliter le retour à la vie normale et de gérer l’apparition de complications. » Ce suivi peut par exemple inclure des séances avec des sexologues pour favoriser une bonne communication dans les couples en cas de dysfonctions érectiles à la suite du traitement.

Le maître mot : dépistage

On l’a vu, le cancer de la prostate est une maladie qui se développe généralement sans engendrer de symptômes annonciateurs. Il est donc important de parler de dépistage avec votre médecin de famille sans attendre d’avoir des symptômes et ce dès 50 ans. Il est d’autant plus important de se faire dépister si des cas de cancer de la prostate avant 65 ans sont connus dans votre famille proche (parents et fratrie), ainsi que si vous êtes de descendance africaine. Malheureusement, ces deux facteurs augmentent beaucoup les risques de développer un cancer de la prostate. Dr Behanes les décrit : « Les dépistages sont très simples et n’incluent en principe qu’une prise de sang pour quantifier des protéines produites par la prostate qui peuvent signifier la présence d’un cancer si elles apparaissent en trop grande quantité. Un toucher rectal peut aussi être nécessaire pour évaluer la taille de la prostate. »


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