Pour que la médecine rime avec santé
Réalisé pour le Temps. Photo de Accuray sur Unsplash.
La médecine personnalisée se développe autour des avancées en génomique et des données biomédicales, avec l’objectif de cibler les traitements au plus près des spécificités biologiques de chaque personne. Cette approche promet des progrès sans précédent, mais risque de mettre de côté le bien-être global du patient, en réduisant l’individu à ses paramètres biologiques. Cependant, des initiatives émergent pour intégrer les citoyens et patients dans la réflexion sur la santé et la recherche médicale, afin de recentrer la médecine sur des valeurs humaines et d’éviter un glissement vers une «technologisation» de la santé. C’est le cas du projet ECOS financé par la fondation Leenaards, un espace de concertation sur la santé personnalisée piloté par Alain Kaufmann, directeur du ColLaboratoire de l’Université de Lausanne.
Une vision fragmentée
ECOS a réuni des chercheurs, citoyens et jeunes médecins généralistes en formation, pour tenter de définir une approche commune de la santé personnalisée. Dans les faits, il a révélé des visions divergentes: les chercheurs voient la santé personnalisée comme une avancée primordiale centrée sur les données moléculaires et la génomique, une médecine de précision et d’avenir. En revanche, les médecins généralistes relèguent la technologie et la génomique en bas de leurs priorités, la jugeant difficile à traduire dans leur pratique quotidienne. «Ils se demandent ce qui est réellement praticable dans cette complexité technologique alors que selon eux certains patients ne suivent déjà pas une recommandation aussi simple qu’une prescription d’aspirine», souligne Alain Kaufmann.
Les citoyens, de leur côté, abordent la santé de façon plus holistique, intégrant les dimensions mentale, émotionnelle et spirituelle. Cette approche, qualifiée de médecine intégrative, combine médecine conventionnelle et thérapies complémentaires. Une enquête effectuée en Romandie en 2022 par le ColLaboratoire, FORS et la Fondation Leenaards montre que 79 % des personnes sont en faveur d’une approche intégrative des soins. «La recherche médicale doit évoluer pour intégrer les approches basées sur des preuves et les sciences sociales participatives pour tenir compte de ces besoins», commente-t-il.
Une quête d’équilibre
Face aux enjeux de la médecine personnalisée, les initiatives citoyennes apparaissent essentielles pour faire entendre une vision de la santé plus en phase avec les attentes des personnes concernées. ECOS, parmi d’autres initiatives, a permis de créer un lien entre citoyens et cliniciens, posant ainsi les bases d’une nouvelle manière de collaborer. «Grâce au soutien de la Fondation Leenaards, le projet a donné naissance à une communauté de pratique autour de la santé intégrative, et a notamment contribué à lancer la Revue de Santé intégrative, éditée par Médecine et Hygiène, ou encore le jeu de cartes PANORAMA, développé avec des citoyens et des professionnels de santé pour orienter les patients dans le vaste paysage des soins. Ce jeu conçu avec des citoyens a fait suite à l’enquête montrant que plus de 80 % des personnes interrogées souhaitaient avoir affaire à une personne de capable de les orienter dans les parcours de soins conventionnels et complémentaires», continue Alain Kaufmann.
La demande d’une approche intégrative de la santé personnalisée n’exclut pas la médecine de précision, celle du tout technologique, mais appelle à une coordination entre les soins conventionnels et les pratiques complémentaires. Cette aspiration à une santé inclusive nécessite une coopération active entre citoyens et professionnels. «Il faut que des mouvements citoyens s’organisent pour collaborer avec les professionnels de santé. On ne peut pas attendre que les institutions changent toutes seules», conclut Alain Kaufmann.